
Jean-François Caron, « Une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi »
Posté le 6 juin 2017
Maire de Loos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, depuis 2001, Jean-François Caron revient sur son expérience lors de l’édition 2015. « Ecolo au pays des gueules noires », il était venu partager la manière dont sa ville est devenue pionnière du développement durable. A coup de désobéissanceS, de rêveS et de visionS.
Avec le recul, comment c’était de passer sur la scène de TEDxVR ?
J’ai l’habitude d’intervenir en public, mais passer sur la scène de TEDxVaugirardRoad était une sacrée expérience ! Le côté « show », le micro porté, les jeux de lumière : c’était assez impressionnant. Les gens viennent aussi à TEDx pour écouter un récit personnel, plus intimiste et engageant que des prises de parole « officielles ». Il y avait aussi la magie des lieux – Bobino – et une pensée émue pour Joséphine Baker.
Je vivais un drame personnel – mon frère venait de décéder et je l’enterrais le lendemain de l’événement – mais je tenais à honorer mon engagement. Malgré la charge émotionnelle, je garde un très bon souvenir de cette soirée.
Qu’est-ce que ça a changé pour vous ?
J’ai trouvé intéressant le travail de préparation. Cette obligation de formaliser, de construire mon propos avec Stéphane Roger, qui m’a passé au crible et m’a fait travailler mon récit personnel. Depuis mon passage, je réutilise ce récit structuré, que j’adapte.
Un talk, c’est aussi un puissant outil de médiatisation. Je l’envoie par exemple aux journalistes qui me contactent pour une interview. Ça défriche et ça leur laisse du temps pour entrer dans l’ambiance, le récit. Ça permet de mieux me comprendre, moi qui suis un train lancé à pleine vitesse. On comprend mieux ce que je fais, et d’où je parle.
John-Paul Lepers est venu tourner chez nous un documentaire pour France 2. Je sais que le TEDx a joué : ça amplifie notre message.
Vous aviez eu cette jolie phrase, qui résonne avec le thème de l’édition à venir – DésobéissanceS : « L’innovation, c’est une désobéissance qui a réussi ». Vous êtes un désobéissant ?
Grâce à TEDx et à d’autres événements, j’ai pris conscience d’éléments forts en moi : au travail comme ailleurs, je fonctionne comme un rebelle. J’ai toujours fait des choses, mais à l’extérieur du cadre. Et c’est difficile d’être un rebelle si on n’est pas armé. J’ai appris à oser désobéir, en posant des actes de désobéissance : faire inscrire le bassin minier au patrimoine de l’UNESCO, organiser des sorties de parapente sur les terrils, équiper l’Eglise de panneaux solaires…
On essaie encore parfois de me mettre dans des cases, mais je suis inclassable. J’ai toujours évité les balles et fait en sorte d’aller au bout de ce en quoi je crois. Mon histoire, c’est celle d’un marginal – « un écolo au pays des gueules noires » – dont la cohérence est apparue claire et légitime sur la scène de Bobino. J’ai déroulé mon film personnel, et les gens m’ont renvoyé à quel point ça tombait juste. Il y a une très forte demande de rêve – de partager des histoires qui font rêver et rendent l’utopie atteignable.
Qu’est-ce qui vous rend heureux ?
J’aime m’émerveiller, observer la magie de la vie – animale, végétale, humaine - et son bouillon imprévisible. Je suis un écolo émerveillé par un enfant qui vit. Les partages, aussi, ça me rend heureux. Une belle sexualité partagée, de corps et d’esprit, c’est fantastique. J’aime faire l’amour avec le monde. Je suis écœuré du modèle du « toujours plus », et je lui préfère la beauté d’une fleur, d’un oiseau ou de l’eau qui dévale une montagne.
Pourriez-vous partager un TED/TEDx talk qui vous a particulièrement marqué ? En quoi ?
Un TED talk sur le lavage de mains ! « Secouer », « plier » : Joe Smith explique comment se laver les mains et les éponger sans faire une consommation déraisonnable de papier. J’ai aimé la puissance pédagogique de ces quatre minutes : du bon sens, à portée de tous.
Qu’avez-vous à nous dire que nous ne vous avons pas demandé ?
J’aimerais rencontrer tous les gens qui ont fait des talks dans mon domaine, organiser un weekend de pairs. Le problème des gens « brillants », c’est qu’ils vivent une forme de solitude… Mettre les décalés en réseau, échanger avec d’autres sur la façon de conduire sa barque en milieu hostile en gardant le sourire, voilà qui me plairait.
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Biographie – Jean-François Caron
Il est né le 21 mai 1957 à Loos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, ville dont il est maire depuis 2001. Un maire à part dans le bassin minier ! En dix ans, cet ancien kiné, passionné de sports d’endurance (tri-athlète), a transformé sa ville sinistrée en ville pilote pour COP21 et Loos-en-Gohelle a été labélisée en 2014 « Ville durable » par l’ADEME (Agence française de l’Environnement et de la Maîtrise Energétique).
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Propos recueillis par Flora Clodic-Tanguy
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